Amour, toujours.


Le dernier film de Michael Haneke vous scotche. Vous fait mal aussi. Touchant souvent, violent parfois, juste toujours. Il parle d'un amour inconditionnel poussé à son paroxysme dont on ne peut sortir indemne. Critique d'un film de haut vol. 




QUELLE CLAQUE
Je n'étais pas convaincue par cette avant première à laquelle je me rendais l'autre soir. Je pressentais un film sombre, teintée d'ironie mais je ne m'attendais pas à ça... Le film commence par une porte qu'on enfonce. Des pompiers s'introduisent dans un bel appartement parisien où l'on devine une odeur insoutenable. Là dans l'une des chambres, une vieille femme allongée sur son lit de mort, des fleurs entourant sa tête. 

BASCULE
"Amour" de Michael Haneke est un drame intimiste qui nous plonge dans le quotidien d'Anne et Georges, deux retraités parisiens cultivés et dynamiques. Une attaque cérébrale. Tout bascule. Comme une vie qu'on paralyse. Comment faire face à cette maladie qui, irrémédiablement, emporte celle que Georges a toujours aimé ?

TOMBEAU
Le film, d'une précision chirurgicale étonne et joue sur la suggestion. Il montre mais surtout ne montre pas. Des caméras immobiles et des plans séquences nous laissent à distance de ce couple, dans cet appartement dont on ne sortira plus jamais. Comme dans un tombeau avant l'heure, on se sent presque prisonnier dans ce huit clos mortifère à la lumière délavée. Au creux de la torpeur, le réalisateur sait pourtant nous faire réagir par de rares gros plans dont il use avec brio sans jamais en abuser. Ici, c'est la réalité, montrée sans fard, qui est cruelle. Certaines images sont d'une violence inouïe sans pourtant ne rien montrer. La caméra qui ne bouge pas amplifie cette violence à laquelle on est confronté sans filtre. 

SOURIRE
Heneke a cet immense pouvoir de troubler les spectateurs avec une étrange facilité. Il y a d'abord cette froideur qui nous enlace. Il y a ensuite cette poésie désuète entre pigeon et souvenirs d'enfance. Une poésie puisante et sourde qui questionne sur la signification de l'amour quand on le pousse à bout mais qu'il résiste quand même.  Servi par Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant, deux extraordinaires légendes du cinéma, "Amour" laisse des traces, des bleus et oui, fait pleurer. Parce qu'il est lyrique, parce qu'il est sensible, parce qu'il parle à chacun. Véritable chef d'oeuvre (presque trop maîtrisé), on ne sent pas tout de suite cette dévastation qui va crescendo et qui vous prend par surprise pour finir en apothéose. Alors, quand la porte se referme à tout jamais, à la fin du film, quand l'agonie prend fin, on se surprend à sourire. 

Ce film est un crochet en plein coeur, on le prend en plein visage parce qu'il apparait presque comme un souvenir du futur. Un film magnifique qu'on garde longtemps au fond des yeux. 

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