L.A. Story - Les anges sont carnivores

L.A. Story est une secousse. Une chute douloureuse servie par une écriture nerveuse et hypnotique qui décrit avec minutie l'enfer de la grande ville. Elle dévore les illusions, elle broie les rêves et elle recommence, sans fin. Un livre marquant qui donne à voir ce(ux) qui se cache de l'autre côté de l'american way of life, critique. 


ACIDE
Chercheur de rêves américains comme on les trouve dans les films hollywoodiens, passez votre chemin ou apprêtez-vous à expérimenter l'âpre réalité. L.A. Story écrit par l'américain James Frey est de ces romans qui vous laissent un drôle d'arrière gout. Chronique d'un conte de fées sans fée et description d'un paradis perdu, crâmé à l'acide, L.A. Story dégage une forte émotion teintée d'une ironie omniprésente. 

AUTOROUTES
A mi-chemin entre la narration et l'information, ce roman fait de la ville un personnage à part entière et érige Los Angeles, machine à rêves par excellence, en un monstre de fer qui écrase, qui broie et qui dévore. Non sans rappeler James Ellroy, James Frey construit son roman comme un mille feuille narratif alternant avec brillance les passages de fiction et les passages purement informatifs. Avec une froideur chirurgicale, ces derniers abordent aussi bien les vagues d'immigration que la mafia, les autoroutes (un des passages exceptionnels du livre) ou le nombres de meurtres et de blessés de guerre. 

QUATRE
Entre ces coupures informatives souvent savourueuses, l'auteur racontre quatre histoires, quatre destins liés à Los Angeles. On y rencontre Esperanza, jeune mexicaine née du bon côté de la frontière qui doit affronter les humiliations. On y fait aussi la connaissance de Vieux Joe, un SDF alcoolique de Venice qui attend des réponses d'un dieu qu'il n'a jamais trouvé. Il y a ensuite Amberton Parker, star internationale de cinéma perdu entre apparences et réalités. Il y a enfin Dylan et Maddie, deux jeunes gens qui fuient l'enfer de leurs familles pour le paradis des anges.

PERDU
Au fil des pages, ces destins n'en finissent pas de se mêler à une foule d'autres visages anonymes dont les voix racontent elles aussi leur propre histoire de la ville aux anges. Des visages qui passent puis se perdent, sans bruits. Espoirs, drames et désillusions, le type d'écriture dont use James Frey perd le lecteur, le malmène et lui fait ressentir le trouble haletant de ses personnages. Le récit est ainsi souvent embouteillé, les évènements s'entrechoquent. L'écriture est nerveuse, hachée, asyndétique, souvent sans ponctuation. Les répétitions utilisées tout au long du récit, créent un écho pesant sur lequel se finit d'ailleurs le roman et qui induit l'idée de répétition sans fin. Au delà, l'écriture devient cinématographique alternant gros plans, changements de perspectives, dialogues comme dans un scénario. 

PAPILLON
Entre démesure, folie et violence, sur les traces de Brest Easton Ellis ou Houellebecq, James Frey livre un grand roman. Odysée survoltée, L.A. Story est un portrait terriblement incarné, perturbant et dérangeant qui dégoûte du rêve tout en entretenant cette obscure clarté vers laquelle les papillons, hypnotisées par tant de promesses, se brûleront toujours les ailes. 

Dernière phrase : "Elle les appelle. Elle appelle. Appelle."
Note : 7.5/10

See Ya
Xxx

Commentaires

  1. « Le lendemain est pareil au jour précédent rien ne change semaine après semaine après semaine »

    Outre les histoires de ces quelques personnages, James Frey réécrit l'histoire de Los Angeles depuis sa création en 1781 par 44 personnes jusqu'à la transformation en l'ogre urbain qu'elle est devenue.
    On observe l'Amérique qu'on oublie et que l'on ne veut surtout pas voir, le tout dans un décor de soap opera.
    L'écriture de James Frey, incisive, sarcastique avec parfois des touches néo-réalistes, dresse un portrait sans états d'âme de L.A., le personnage principal du livre.
    Ce roman hybride très moderne dans sa construction, est un pari ambitieux et réussi, tant dans le témoignage sociopolitique (fictif ou non, là réside la force de L.A. Story) de la Mecque du cinéma, que dans sa construction narrative fort originale.

    James Frey signe ici son meilleur roman avec lequel il a su se réinventer, et faire de L.A. Story une surprenante expérience narrative.

    Tony.

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